Demande d’une fermeture commune du sandre et du brochet pour 2014

Depuis 2006, dans le département de Saône-et-Loire, le brochet ferme à la fin janvier alors que le sandre ferme à la mi-mars suite à des décisions de la Direction Départementale des Territoires de Saône-et-Loire en réponse à une demande des pêcheurs professionnels.

Effectivement, les mois d’hiver semblent être la période la plus favorable pour la capture des sandres aux filets. En effet, à cette saison, les poissons sont très mobiles.

A cette époque, la Fédération avait déjà fait part de son désaccord et avait essayé tant bien que mal de s’opposer à cette mesure dont les conséquences sont multiples :

–          D’une part la règlementation pêche en vigueur ne donne pas les mêmes droits aux pêcheurs aux lignes et aux pêcheurs professionnels.

En effet l’article R 436-33 du code de l’environnement restreint considérablement les modes de pêche aux lignes en période de fermeture du brochet (à partir de la fin janvier) :

« Pendant la période d’interdiction spécifique de la pêche du brochet,  la pêche au vif, au poisson mort ou artificiel et aux leurres susceptibles de capturer ce poisson de manière non accidentelle est interdite dans les eaux classées en 2ème catégorie ».

–          D’autre part, le fait d’autoriser la pêche professionnelle aux filets jusqu’à la mi-mars permet la capture de brochets dans les filets.

Certes, seuls les sandres peuvent être conservés et les brochets doivent être remis à l’eau. Mais on peut s’interroger sur le devenir des brochets piégés dans les mailles d’un filet en cette période de grande fragilité. Nous estimons que cette pratique peut porter atteinte au recrutement de l’espèce alors que cette dernière est menacée (inscrite sur la liste rouge des espèces menacées en France) et normalement protégée pendant sa période de reproduction.

Brochet - Crédits photo FNPF
Brochet – Crédits photo FNPF

Ce dernier point nous interroge tout particulièrement et nous parait non acceptable au regard des diverses politiques entreprises pour protéger le brochet et ses habitats et des fonds alloués par ailleurs pour préserver cette espèce.

Dans ce contexte la Fédération a de nouveau sollicité la Direction Départementale des Territoires pour demander une fermeture commune (fin janvier) de la pêche au brochet et au sandre dès l’année prochaine (2014), pour les pêcheurs aux lignes et les pêcheurs professionnels.

Dans l’attente de leur réponse, que nous ne manquerons pas de communiquer sur notre site internet, voici une partie de l’argumentaire détaillé que nous avons joint à notre demande :

« Incidence d’une fermeture tardive de la pêche au sandre (deuxième samedi de mars)

–          Un principe d’équité entre pêcheurs que nous remettons en cause.

Permettre aux pêcheurs professionnels mais aussi aux lignes de pêcher les sandres jusqu’au deuxième samedi de mars part d’un bon sentiment et repose sur le principe d’égalité entre pêcheurs.

Seulement le code de l’environnement (Art R 436-33) restreint considérablement le droit des pêcheurs aux lignes pendant la période de fermeture du brochet. Or le brochet et le sandre se pêchent (à la ligne) avec les mêmes techniques et les mêmes procédés.

Au dernier dimanche de janvier lorsque la fermeture du brochet devient effective, il ne subsiste quasiment plus de procédés de pêche autorisés permettant la capture du sandre jusqu’à sa fermeture en mars.

Art R 436-33 du code de l’environnement

« Pendant la période d’interdiction spécifique de la pêche du brochet,  la pêche au vif, au poisson mort ou artificiel et aux leurres susceptibles de capturer ce poisson de manière non accidentelle est interdite dans les eaux classées en 2ème catégorie ».

Au-delà des périodes de fermeture et d’ouverture de la pêche spécifiées par arrêté préfectoral, il est important de garder à l’esprit, que des procédés de pêche autorisés, découle directement la possibilité de capturer certaines espèces de poissons dont le sandre.

Tel qu’il est rédigé, l’article R436-33 du code de l’environnement interdit tout simplement la pêche au sandre bien qu’elle soit encore autorisée jusqu’au deuxième samedi de mars par arrêté préfectoral.

Ce paradoxe nous interroge à plusieurs titres :

N’y a-t-il pas là une contradiction ?

Que devient alors le principe d’équité entre pêcheurs aux lignes et professionnels ?

Il semble que les moyens donnés à une minorité (pêcheurs professionnels) ne sont pas ceux donnés à la majorité (pêcheurs aux lignes). Or, suivant le principe d’équité, la réglementation pêche devait réellement donner les mêmes droits à ces deux catégories d’usagers.

Cela n’étant pas possible de la sorte, nous remettons donc en cause cette fermeture tardive du sandre et demandons qu’elle coïncide avec celle du brochet afin de donner les mêmes droits et devoirs à tous.

 

–          les incidences en termes de gestion des populations de brochet, espèce actuellement considérée comme menacée (inscrite sur la liste rouge des espèces menacées en France)

 

Voilà ici le dernier point de notre réflexion sur lequel nous tenons à insister vivement.

Autoriser la pêche professionnelle jusqu’au deuxième samedi de mars pour permettre la capture du sandre est une chose. Cependant les filets n’ont aucune sélectivité et cette mesure a d’autres conséquences puisqu’elle permet la capture de brochet en pleine période de reproduction. Période pendant laquelle, les brochets effectuent des migrations et sont donc d’autant plus facile à capturer au filet.

Certes il y a l’obligation de remettre les brochets à l’eau. Mais dans quelle mesure des brochets fragilisés par leur période de reproduction ont des chances de survivre ? Dans quelles mesures pourront-ils poursuivre normalement leur frai après avoir passé une nuit dans un filet ?

Jusqu’alors, il nous a toujours été certifié que les brochets pris dans les mailles d’un filet puis libérés conservaient toutes leurs chances de survie. Nous avons toujours émis des doutes sur cette affirmation. Nous pensons très honnêtement qu’un poisson (quelle que soit l’espèce) pris dans les mailles d’un filet subit des atteintes physiologiques irrémédiables, et encore plus lorsqu’il est en pleine période de reproduction.

Des doutes qui tout récemment nous ont été confirmés par votre prise de position pour la mise en place d’un parcours « No Kill » Black bass sur la Seille que vous n’avez pas souhaité étendre au parcours ouvert à la pêche professionnelle n’ayant aucune certitude sur la survie des black bass capturé au filet (Cf. courrier du 25 juin 2012, ci-joint ).

La question de la survie d’un poisson pris dans les mailles d’un filet n’est donc pas anodine.

 

Pour terminer nous tenons à insister sur :

–          La vulnérabilité actuelle du brochet sur le territoire Français
–          Les efforts que nous entreprenons pour préserver au mieux l’espèce.

Vulnérabilité actuelle du brochet

Selon les sources de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature en France, du Muséum National d’Histoire Naturel, de la Société Française d’Ichtyologie et de l’ONEMA, le brochet fait actuellement parti des espèces menacées de disparition en France.

L’espèce a tout récemment été inscrite sur la liste rouge des espèces menacées en France avec le statut de Vulnérable.

Le département de Saône-et-Loire, et plus particulièrement les rivières Saône et Seille n’échappent pas à ce constat alarmant. A ce titre les travaux d’études et de restauration des frayères à brochet menés par notre Fédération ou d’autres organismes sont particulièrement nombreux sur l’ensemble des Contrats de Rivière du département.

 

Les efforts de préservations entrepris

Constatant le déclin des populations de brochet depuis plus d’une vingtaine d’années, notre Fédération essaie tant que possible d’agir et d’investir pour le développement et le maintien de l’espèce à travers essentiellement des travaux de restauration des zones humides propices à la reproduction du brochet.

Depuis 2006 nos efforts se sont particulièrement orientés sur les rivières Saône et Seille, milieux aquatiques pour lesquels l’espèce est la plus menacée sur le département de Saône-et-Loire.

C’est ainsi qu’avec la participation de nos partenaires classiques (Agence de l’Eau RMC, Conseil Régional de Bourgogne, EPTB Saône-Doubs et le fond FEDER) nous avons entrepris des restaurations sur les sites suivant :

–          Frayère de Branges (Seille – année 2006) : 10 730€
–          Frayère de Jouvençon (Seille – année 2006) : 14919 €
–          Port d’Ormes (Saône – année 2009 : 26 849
–          Corne de Vachon (Seille – année 2009) : 43 414
–          Morte sur l’Eau (Doubs – année 2009): 1315.60 €
–          Morte du Grand Paquier aval (Doubs – année 2009): 4748 €
–          Morte du Grand Paquier amont (Doubs – année 2009): 11 661 €
–          Zone humide Saint Usuge (Seille – année 2012) : 15117 €
–          Zone humide de Gigny-sur-Saône (Sâone – année 2012) : 14 555 €

Tout ceci représente bien évidemment un cout (cout de travaux ci-dessus et d’études non mentionnés). De grandes sommes d’argent public sont ainsi investies (80% de subvention et 20% d’auto financement par les structures associatives de la pêche).

Frayère du Bief Colas à Jouvençon
Bief Colas à Jouvençon

Au-delà de ces travaux, des mesures règlementaires complémentaires ont été adoptées lors de notre dernière Assemblée Générale à Louhans. Un règlement intérieur augmentant la taille légale de capture de l’espèce à 60 cm et limitant le prélèvement de brochet à 1 poisson par jour et par pêcheur a été voté.


–          Demande d’une période de fermeture commune brochet et sandre.

 Il ne nous semble aujourd’hui pas acceptable que des brochets puissent encore être capturés au filet pendant leur période de reproduction. Les efforts entrepris (humains et financiers) et les menaces qui pèsent sur l’espèce sont contradictoires avec une telle situation. Nous rappelons qu’un brochet capturé dans un filet en pleine période de reproduction a des chances de survie plus qu’incertaines. Ce que vous avez admis dans votre lettre du 25 juin pour le black bass doit être encore plus applicable pour une espèce protégée et menacée au niveau national.

 

Sur la base de cet argumentaire et au regard de l’ensemble des contradictions évoquées ci-dessus, nous sollicitons donc vos services pour demander une fermeture commune aux pêcheurs de loisirs et professionnels de la pêche du sandre et du brochet au dernier dimanche de janvier. »